Sainte Jeanne des abattoirs
de BERTOLT BRECHT
mise en scène ALAIN MILIANTI
du 14 janvier 1999 au 14 février 1999
Théâtre de l'Odéon
avec Michaël Abiteboul, May Bouhada, Agnès Dewitte, Christian Drillaud, Christophe Giordano, Jean-François Lapalus, Emmanuelle Michelet, Natacha Mircovich, Clotilde Mollet, Jerzy Radwilowicz, Julie Sicard, Laurent Stocker, Serge Valletti.
Dans un Chicago de convention digne des meilleurs films de gangsters, sur lequel règne le richissime " roi de la viande " Pierpont Mauler, Jeanne Dark se lance à la découverte, puis à l'assaut de l'égoïsme et de la misère avec pour seules armes la foi, l'espérance et la charité. Mais si la finance dicte sa loi aux hommes, la sainteté risque de n'être qu'un dernier leurre
et un obstacle au vrai combat pour la justice. Quand éclate la grande dépression de 1929, Brecht se passionne depuis plusieurs années pour la description marxiste des crises de surproduction. Les répercussions du krach inspirent très vite à son génie parodique une pièce ambitieuse, complexe et subversive, qui ne sera jamais jouée de son vivant : démarquant tour à tour La Pucelle d'Orléans de Schiller et le Faust de Goethe, mêlant vers, prose et manchettes de journaux, Brecht emprunte aux grandes voix de la littérature allemande leurs plus nobles accents et à l'histoire de France sa figure épique la plus émouvante pour mieux mettre à nu, sous les formules emphathiques et les tourments des " belles Ìmes ", les mécanismes réels d'une crise qui prive de travail six millions de ses concitoyens à la veille de l'arrivée de Hitler au pouvoir.
Alain Milianti a été frappé par l'humour féroce et l'ampleur haletante du récit brechtien, mais surtout par son impitoyable actualité et sa charge intacte de provocation polémique en un temps où le libéralisme passe pour le dernier mot de l'Histoire et le capitalisme pour le synonyme définitif et scientifique de la Fatalité. Derrière l'affrontement entre la sainte et le financier se profile en effet un autre protagoniste - un héros qui, selon Milianti, " prête aux rires, à la colère et à toutes les émotions, comme n'importe quel personnage de théâtre " : l'économie et sa puissance sans visage.
Après Quatre heures à Chatila (qui obtint le prix Georges Lherminier) et Le Pélican, Milianti retrouve l'Odéon pour y créer cette fable démystifiante, grinçante et lucide sur " l'horreur économique ".