Le Soulier de satin

de PAUL CLAUDEL
mise en scène OLIVIER PY
du 07 mars 2009 au 29 mars 2009
Théâtre de l'Odéon



avec John Arnold, Olivier Balazuc, Jeanne Balibar, Damien Bigourdan, Nazim Boudjenah, Céline Chéene, Sissi Duparc, Michel Fau, Philippe Girard, Frédéric Giroutru, Mireille Herbstmeyer, Miloud Khétib, Stéphane Leach, Sylvie Magand, Christophe Maltot, Elisabeth Mazev, Jean-François Perrier, Olivier Py, Alexandra Scicluna, Bruno Sermonne, Pierre-André Weitz
et Sarah Abdeslam, Yasmine Bouland, Guillaume Allory, Ivan Assael, Jérôme Baubil, Benoît Becret, Claude Cuisin, Thibaut Fack, Florent Gallier, Fabienne Killy, Marc Leclercq, Philippe Meslet, Julienne Paul.

Si l'on demande beaucoup au public,
pourquoi douter qu'il ne soit prêt à donner beaucoup ?
Claudel

Une femme a senti qu'en courant à sa joie, elle risquait fort de courir à sa perte. Elle recourt donc à une ruse toute simple et digne d'un coeur d'enfant : mettant la Vierge dans sa confidence, elle l'engage pour moitié dans son aventure et laisse entre les bras de son image l'un de ses souliers. Prouhèze, désormais - tel est son nom - sera vouée à boiter, et ne pourra plus faire un pas dans l'existence sans être protégée, y compris contre elle-même, par cette boiterie. Cette histoire - une folle, sublime, déchirante histoire d'amour -, Claudel a voulu la développer à travers les années et par-delà les mers, afin de faire sentir comment le sacrifice d'une âme noble va élargissant autour d'elle, pareille à une pierre jetée dans l'eau de la création, «ses anneaux divers et concentriques». Et pour mieux en faire résonner toutes les harmoniques, il a choisi comme décor de cette chasse spirituelle ce «sou d'or» suspendu dans les cieux qu'est notre globe, moins d'un siècle après que Christophe Colomb eut achevé d'y découvrir le Nouveau Monde. Autour du couple que forme l'héroïne avec son bienaimé Rodrigue, l'imagination foisonnante du poète sème à pleines poignées tout un peuple de figures épisodiques ou immortelles : grammairiens ou conquistadores, jésuites et pauvres pêcheurs, religieuses ou Grands d'Espagne, actrices dupées, peintres japonais, chinois, drapiers et cavaliers, c'est par dizaines que se comptent ceux qu'il invite à son grand défilé d'êtres.
Claudel bâtit sur le modèle d'un auto sacramental digne de son cher Calderón, mais revu par Eschyle et Shakespeare, une pièce qui se veut à la mesure du monde et de la scène. Du monde : pour lui emprunter son poids et sa densité, afin d'extraire de quelques cœurs, comme grains dans le pressoir, leur suc le plus rare et le plus précieux. De la scène : pour faire ressortir plus vivement sur fond de néant jusqu'aux facettes les plus fugaces de l'existence et de se donner, selon Olivier Py, «la possibilité de représenter tous les pays et tous les peuples par toutes les formes possibles de théâtre». La parole, dans cet écrin de nuit serti de rouge et d'or, peut prendre tous les tons, de la farce la plus truculente au plus profond lyrisme. Elle peut sourdre de toutes parts : d'une constellation, d'un ange gardien au sein d'un rêve ou d'une statue de saint sur son piédestal, autant que de l'ombre double que forment sur un mur les corps de deux amants enlacés à la lueur de la lune. De part et d'autre de l'Océan, qui devient ici l'amer calice que se tendent Rodrigue et Prouhèze d'un bout à l'autre de l'horizon, les destins brûlent, filent ou clignent comme des astres, composant à eux tous l'épopée baroque d'une salvation.

 

à lire
La version jouée est l'édition critique établie par Antoinette Weber-Caflisch (Les Belles Lettres). Éditeur du texte Gallimard.

Le Soulier de satin a reçu le prix Georges Lerminier du Syndicat de la Critique