Le Cas Blanche-Neige
de HOWARD BARKER
mise en scène FRÉDÉRIC MARAGNANI
du 04 février 2009 au 20 février 2009
Ateliers Berthier
avec Christophe Brault, Laurent Charpentier, Marie-Armelle Deguy, Jean-Paul Dias, Isabelle Girardet, Patricia Jeanneau, Céline Milliat-Baumgartner, Émilien Tessier, Jérôme Thibault.
Quelle bonne chose
Quelle bonne chose que vous ne sachiez jamais avec moi
Howard Barker
Peu après Gertrude (Le Cri), Barker publie Le Cas Blanche-Neige. À nouveau, il s'inspire ouvertement d'un texte censé être «bien connu». Dans Gertrude, le dramaturge ne part pas du texte qui lui sert de modèle, mais d'une scène qui est antérieure aux événements relatés dans la tragédie ; dans Le Cas Blanche-Neige, en revanche, le point de départ du drame ne se situe pas en amont du texte de référence, mais à son terme. C'est en effet dans les dernières lignes du conte original des frères Grimm que Barker a relevé un détail troublant, qu'il cite en exergue de son oeuvre : «La méchante marâtre de Blanche-Neige fut elle aussi conviée au festin. Mais on avait déjà mis sur le feu des pantoufles de fer que l'on apporta avec des tenailles et déposa devant elle. Puis on la força à chausser ces souliers rougeoyants, et à danser jusqu'à tomber raide morte.» Gertrude et Le Cas Blanche- Neige, deux pièces si nettement apparentées, se distinguent donc par le mouvement qui les engendre. La première, à partir de la scène fondatrice, invente une autre tragédie derrière celle d'Hamlet ; la seconde, partant de l'affreux châtiment au revers de la fin heureuse de Blanche-Neige, construit à reculons un tout autre conte. Et ce conte-là, cette version noire qu'invente Barker, tend à son original un miroir étonnamment complexe. D'abord parce que l'épicentre de la catastrophe s'est déplacé : l'histoire n'appartient plus tant à Blanche- Neige qu'à la Reine. D'emblée, elle impose sa royale nudité au coeur de la forêt sexuelle, pareille dans sa sauvagerie à une Lady Chatterley dépouillée de tout romantisme. La princesse rôde autour d'elle et lui envie son pouvoir d'attraction, troublée comme par un secret qu'elle tente en vain de percer avant de disparaître à son tour dans les bois pour y coucher avec sept hommes... Quant à son père, il voue à sa royale épouse un culte jaloux : la relation conjugale (conduite, ici comme ailleurs, sur fond d'adultère et de tromperie) est une «lutte» mortelle à qui perd gagne, et sa «beauté» énigmatique et sanglante est un hommage que se rendent l'un à l'autre les adversaires... Cette réécriture moderne d'un matériau immémorial, ce devenir-tragédie du conte, ont fasciné Frédéric Maragnani. Depuis une douzaine d'années, il travaille en proche collaboration avec des auteurs d'aujourd'hui, dont Huysman, Durif, Minyana ou Renaude. C'est en 2005-2006 qu'il a travaillé à la mise en scène conjointe de deux spectacles fondés sur la notion de conte théâtral, montant à cette occasion Barbe-Bleue (la scène primitive) de Nicolas Fretel et le texte de Barker. La reprise de Le Cas Blanche-Neige, assurant le lien entre le «minicycle » Barker et le projet d'Olivier Py autour de Grimm, ne pouvait mieux tomber.
à lire Le Cas Blanche-Neige (Comment le savoir vient aux jeunes filles), Œuvres choisies, vol. 4, éditions Théâtrales, coll. Scènes étrangères, 2003