La Barque le soir
de Tarjei Vesaas
mise en scène Claude Régy
environ 1h45
avec Yann Boudaud, Olivier Bonnefoy, Nichan Moumdjian
Infatigable découvreur d’œuvres nouvelles, Claude Régy poursuit son exploration des écritures nordiques et revient jeter l’ancre aux Ateliers Berthier : fin septembre 2012, il confiera à Yann Boudaud (qui fut de toutes ses créations entre 1997 et 2001) l’interprétation de La barque le soir, tirée de l’œuvre d’un auteur norvégien, Tarjei Vesaas. Vesaas est un écrivain rare, intensément original. Dans La barque le soir, qui fut son œuvre ultime, sa voix s’élève à une puissance d’évocation inouïe. Récit et image, expérience et réflexion, prose et vers rompent leurs digues et submergent les dernières limites qui les séparaient. Si un livre est comme un monde où rendre possible le surgissement et l’entente de certaines phrases, alors Vesaas a créé dans La barque le soir la quintessence d’un texte-paysage où résonnent à chaque page des formules qui troublent et interrogent sans pourtant tout à fait surprendre, comme si elles s’offraient à une reconnaissance plutôt qu’à une découverte. « Il est juste de marcher ici», dit l’un des personnages, « mais on est tellement en peine de savoir pourquoi on le fait
»... Une telle écriture attend des lecteurs qui sachent écouter. Après avoir monté en 2010, sous le titre de Brume de dieu, un extrait de l’un des romans les plus célèbres de Vesaas, Régy s’est donc tourné vers La barque le soir. L’un des chapitres, « Voguer parmi les miroirs », suscita très vite en lui un intérêt qu’il qualifia lui-même d’obsessionnel. Un flux de mots s’y fait pareil à un fleuve où se charrie un état étrange, indécidable : l’au-delà et ses figures jamais nommées (Charon, Cerbère, la barque du Styx) empiètent sur les frontières évanouissantes d’un corps et d’un esprit qui s’abandonnent à la dérive, très loin des certitudes de la conscience.