Henry VI
de William Shakespeare
mise en scène Thomas Jolly / Cie La Piccola Familia
2 cycles de 9 heures, à voir en 2 dates non dissociables : 2 et 3 mai, ou 8 et 14 mai, ou 9 et 10 mai, ou 16 et 17 mai
avec Johann Abiola, Damien Avice, Bruno Bayeux, Nathan Bernat, Geoffrey Carey, Gilles Chabrier, Éric Challier, Alexandre Dain, Flora Diguet, Anne Dupuis, Antonin Durand, Émeline Frémont, Damien Gabriac, Thomas Germaine, Thomas Jolly, Nicolas Jullien, Pier Lamandé, Martin Legros, Charline Porrone, Jean-Marc Talbot, Manon Thorel
Thomas Jolly croit au théâtre avec une passion et un engagement communicatifs. Depuis 2006, sa compagnie, La Piccola Familia, en témoigne sur tous les tons, montant aussi bien Marivaux et Mark Ravenhill que Sacha Guitry (nombreux sont les spectateurs de Toâ au Festival Impatience – Odéon/Télérama – qui se souviennent de lui avoir décerné le Prix du public en 2009). Après cette phase exploratoire de registres aussi divers que possible, La Piccola Familia s'est concentrée sur une œuvre unique. En juillet 2014, lorsque Thomas Jolly et ses compagnons présenteront le quatrième et dernier épisode de leur Henry VI au Festival d'Avignon, cela fera quatre ans qu'ils auront entamé leur périple, enfin présenté dans son intégralité, à travers trois pièces et quinze actes de William Shakespeare, totalisant près de dix mille vers et convoquant deux cents personnages.
Pourquoi cet intérêt pour les trois Henry ? Shakespeare a consacré à la royauté anglaise un nombre de pièces inégalé : dans l'ordre chronologique des règnes, il a composé Richard II, les deux parties d'Henry IV, Henry V, les trois Henry VI et Richard III. Aucun roi ne manque à l'appel (même si Édouard, qui règne entre Henry et son frère Richard, n'a pas donné son nom à une pièce). Le dramaturge anglais s'est visiblement passionné pour l'histoire de son pays, depuis l'espèce de péché originel qu'est la déposition de Richard II jusqu'au crépuscule infernal qu'est le règne de Richard III, usurpateur démoniaque et théâtralement si séduisant.
Dans cette énorme fresque, les trois Henry VI constituent la série la plus monumentale, dont la masse même, selon Thomas Jolly, est significative : il ne fallait pas moins de trois drames historiques pour marquer le passage d'un Moyen âge finissant à une Renaissance avide d'explorer de nouvelles frontières géographiques, mentales ou morales. «Monter Henry VI», poursuit le metteur en scène, «c'est donc, je crois, réinterroger notre époque par ce qui serait son origine en assistant à l'abandon par l'Homme d'un monde de valeurs communautaires pour un monde individualisé. Ce n'est pas une coquetterie, c'est aussi dans ce but que Shakespeare écrit pour les spectateurs du XVIe siècle, dans une Angleterre à peine remise des guerres civiles [...]. Sous la plume shakespearienne, dans la peinture de la lutte pour le pouvoir, nous décelons, en germe, les attitudes fallacieuses des factions politiques, la perversion de la subordination, le mépris grossier à l'égard des femmes, l'étouffement de la vertu par l'ambition et finalement... la violence mais aussi la tristesse du chacun pour soi».
Les trois Henry VI sont donc une œuvre-charnière, celle où l'ancien paraît progressivement sombrer dans le chaos d'où naîtra peut-être – mais ce n'est jamais sûr – une nouvelle façon de vivre son humanité. Thomas Jolly voit le chaos croître d'abord sur un air de carnaval grotesque, puis basculer dans la gravité tragique avant de déchaîner, en «un enchaînement de tableaux quasi-cinématographiques», la vitesse vertigineuse d'une «violence crue». Ce mouvement, qui est aussi un élan de la pensée, il a voulu le restituer d'un trait continu, comme on se laisse emporter ensemble par un fleuve de dix-huit heures de spectacle, entractes compris. Depuis janvier 2012, date de la création du premier cycle de ce projet, sa vision a suscité une adhésion publique extraordinaire. Décidément, Thomas Jolly croit au théâtre. Et il fait ce qu'il faut pour qu'on y croie avec lui.
Thomas Jolly : "Henry VI", "une pièce hors... par lemondefr
Le texte d'Henry VI est édité à l'avant-scène théâtre.