" Je ne fais pas du théâtre pour que mes spectacles montrent des points de vue sur les choses, le point de vue est le spectacle lui-même. Le spectacle existe comme un acte. Je n'ai rien à dire à ce propos. Si je pouvais définir cet acte, je ne le ferais pas."
Avec le temps, il apparaît que le théâtre de François Tanguy ne ressemble à rien d'autre qu'à lui-même. Ce qu'il fait éprouver ne se raconte pas davantage que la musique, à laquelle Tanguy emprunte souvent des titres tels que Chant du bouc, Choral, Orphéon, Cantates, Coda ou Ricercar. Ce théâtre-là, insomniaque ou forain, mûrit à son rythme, se crée et se répète au long cours, n'hésite pas à s'interrompre quand l'état du monde l'exige : selon François Tanguy, le théâtre, on n'en parle pas, on le fait.
"Et quand on n'est pas sur le plateau, on est là où l'on doit être".
"Avant" le spectacle, il y a donc un patient travail d'immersion dans l'entrelacs sensible et le grain des matériaux, des présences, parfois des mots. "Après" le spectacle, reste le sillage de ce qui s'est montré, loin de tout récit, "acte" plutôt que performance. Et pendant le spectacle, le théâtre naît. Il "naît du malentendu dont il essaye de se dépêtrer et qu'il cultive pour devenir théâtre". Malentendu que donne clairement à entendre le mot "représentation" : car ce théâtre-là ne re-présente, ne reprend ou ne remplace rien, ne procédant pas même par allusion, n'ayant pas la prétention de renvoyer au monde. Il se fixe plutôt pour tâche de nettoyer le regard, de le reconduire au seuil de son énigme propre : comme le dit Tanguy, "il ne s'agira jamais de figurer à travers des mots (ou de la matière théâtrale) une réalité dont on essaierait de restituer la vraisemblance".
Chaque oeuvre du Radeau réfère le spectateur à son propre "théâtre", au "lieu d'où l'on voit". Prenant avec douceur son temps, c'est ainsi qu'il rejoint le nôtre par ses bords les plus secrets, poursuivant depuis plus de vingt ans un travail d'une exigence exemplaire, pleinement et patiemment contemporain.
Mystère Bouffe (1986), Jeu de Faust (1987), Woyzeck-Büchner-Fragments Forains (1989) Chant du Bouc (1991), Choral (1994), Bataille du Tagliamento (1996), Orphéon (1998),
accueillis à l'Odéon :
- Les Cantates (2001 au jardin des Tuileries)
- Coda (créé en octobre 2004, accueilli au théâtre de l'Odéon-Ateliers Berthier en décembre 2005).
- Ricercar (créé en nov. 2007, accueilli à l'Odéon-Ateliers Berthier en sept.-oct. 2008)