Fin de partie

de Samuel Beckett
mise en scène Alain Françon
 



1h40

du 10 janvier au 10 février 2013 2013

Odéon 6e

avec Serge Merlin, Gilles Privat, Michel Robin, Isabelle Sadoyan

« Fini, c’est fini, ça va finir, ça va peut-être finir. Les grains s’ajoutent aux grains, un à un et un jour, soudain, c’est un tas, un petit tas, l’impossible tas » : par la grâce de cette extraordinaire réplique inaugurale, Fin de partie entre dans l’histoire du théâtre, quatre ans après En attendant Godot, comme la goutte qui fait déborder un très vieux vase dramaturgique. Hamm est aveugle dans son fauteuil roulant. S’il ne peut plus voir venir la fin, il la sent sourdre dans sa tête. Clov, lui, ne s’assied jamais ; jamais encore il n’a désobéi aux ordres du tyran dont il est peut-être le fils. Auprès d’eux, accroupis dans des poubelles dont ils surgissent de temps à autre comme de pauvres marionnettes cassées, Nagg et Nell, les parents de Hamm – car le vieux Hamm n’est même pas encore orphelin : à vieillard, vieillard et demi, dans ce monde qui agonise si interminablement que nul ne parvient jamais à atteindre la position couchée. Mais aujourd’hui, « quelque chose suit son cours » : aujourd’hui, «ça va peut-être finir », au-delà de toute fin... Selon Roger Blin, Beckett « voyait Fin de ­partie comme un tableau de Mondrian, avec des cloisons très nettes, des séparations géométriques, de la géométrie musicale. » Analogie d’autant plus intéressante que Beckett a puisé une part de son inspiration dans l’univers des échecs, dont il était un joueur passionné. Cette vision qu’il avait de son œuvre comme abstraction soumise à des règles rigoureuses, d’ordre pictural ou logique, explique en partie qu’il en ait contrôlé de très près la création théâtrale. Ici plus qu’ailleurs, le passage du livre au plateau est donc affaire d’exécution. Alain Françon, pareil à un chef recrutant minutieusement son orchestre, a réuni autour du texte des acteurs qui ont conféré à cette Fin de partie l’évidence et la force d’un classique.

 

à lire Fin de partie de Samuel Beckett, Les Editions de Minuit, 1957.