Ciels

texte et mise en scène Wajdi Mouawad
du 11 mars 2010 au 10 avril 2010
Ateliers Berthier



avec John Arnold, Georges Bigot, Valérie Blanchon, Olivier Constant, Stanislas Nordey (remplacé par Emmanuel Schwartz les 18 et 19 mars), et en vidéo Gabriel Arcand, Victor Desjardins, et la voix de Bertrand Cantat

Qu'est-ce qui nous regarde ?
Wajdi Mouawad

«Il y a dans mon esprit», a confié Wajdi Mouawad, «une triple schizophrénie liée à mon parcours entre le Liban, la France et le Québec. Je n'ai choisi aucun de ces lieux. [...] On se dit : si j'étais resté au Liban, j'aurais parlé arabe ; est-ce que j'aurais fait du théâtre ? J'ai parfois l'impression d'être trois, qu'un autre moi est resté au Liban et est devenu coiffeur, et qu'un autre encore est devenu peintre en France». Poursuivant son œuvre, aujourd'hui distinguée par de nombreuses récompenses, l'auteur-metteur en scène Mouawad sera en 2009 artiste associé du Festival d'Avignon, où sera créé Ciels.
À quoi pourrait ressembler Ciels ? Mouawad a une façon curieuse de parler de ses projets : «bien avant les répétitions», écrit-il dans les premières pages de Seuls, «il y a l'éveil. Mon éveil. Mon éveil devant une sensation, celle d'être observé par quelque chose qui est déjà le spectacle». Pour lui, les projets sont des êtres vivants, des figures annonciatrices (anges, enfants ou fauves), et Mouawad doit parfois attendre des années avant que leur présence «se présente» à lui. Entretemps, ils rôdent, l'épient, restent patiemment à l'affût, attendant qu'il sente leur regard posé sur lui et se mette en quête de leur visage. Il n'est dès lors pas surprenant que l'enquête sur l'origine soit un motif si profondément imprimé dans l'écriture de Mouawad. Elle imprègne sa méthode d'écrivain : avant même de consigner le mouvement d'une recherche, l'œuvre à venir est elle-même un individu dont il faut établir l'identité par une longue investigation. Elle rythme de l'intérieur la plupart des textes qui l'ont fait connaître, où il est souvent question de remontée généalogique, de retour vers un pays ou une mémoire perdus, de nécessité de renouer un lien de filiation et d'héritage, de déchiffrement d'énigmes.
Cela étant, quel sera donc le visage de Ciels ? Quatrième titre d'une tétralogie dont les étapes précédentes - Littoral (1999), Incendies (2003) et Forêts (2006) - jalonnent une bonne dizaine d'années de travail, Ciels était entrevu par Mouawad comme «une pièce de courte durée» où il serait «question des tableaux de la Renaissance italienne traitant le thème de l'Annonciation, de terrorisme, d'écoute électronique et de fidélité». Entretemps, Seuls est intervenu, et Mouawad parle désormais de Ciels comme de l'histoire de «six personnages [...] enfermés de leur propre gré dans un lieu sous haute protection. Ils n'en sont pas sortis depuis des mois et espionnent des conversations téléphoniques dans des endroits cruciaux de la ville, quand ils ne filtrent pas des e-mails. Ils savent qu'un attentat terroriste se prépare et tentent de le déjouer. Bref, ça parlera de paranoïa, de suspicion, de l'enfance, aussi».