Cassandre

monodrame d'après CHRISTA WOLF
musique MICHAEL JARRELL / mise en scène GEORGES LAVAUDANT
du 09 décembre 2006 au 13 décembre 2006
Berthier grande salle



Ensemble intercontemporain / direction Susanna Mälkki, réalisation informatique musicale Ircam Pierre Charvet,
avec Astrid Bas

En 1994, Michael Jarrell n'avait plus abordé l'opéra depuis Dérives (1980-1985). Lorsqu'un ami dramaturge lui conseilla de voir l'adaptation scénique, due à Gerhard Wolf, du Cassandre de Christa Wolf, il fut aussitôt frappé par le destin de cette femme seule dans l'attente de la mort - celui d'une prophétesse qui vit approcher la destruction de sa cité sans que nul ne puisse l'entendre, et qui survécut pour porter, du haut de sa solitude, un regard rétrospectif sur l'extermination des siens ou leur asservissement. Jarrell, fasciné par cette vision de la vaincue, ainsi que par l'opposition entre la version officielle - héroïque, homérique, masculine - de la chute de Troie et l'expérience qu'en fit Cassandre, songea d'abord à tirer du texte de Christa Wolf un opéra de chambre pour plusieurs chanteurs, puis une version pour voix unique traitée selon plusieurs niveaux de lecture : à l'avant-plan, un récit intimiste confié à une interprète lyrique ; en toile de fond, une version plus ample, et pour ainsi dire officielle, du matériau épique dont traitent l'Iliade et l'Odyssée. Mais très vite, Jarrell en vint à se convaincre de deux points cruciaux, qui devaient infléchir décisivement son projet. D'abord, la solitude de la captive devait absolument être traitée pour elle-même, sans être confrontée à d'autres présences tenant d'autres discours, sous peine de ne pas être réellement écoutée dans sa singularité. Ensuite, cette solitude absolue résistait au chant : «Cassandre est en dehors de l'opéra, comme dans la première oeuvre scénique que j'avais écrite [...]», confiait-il à Peter Szendy à l'occasion de la création au Théâtre du Châtelet. «Et cette fois, c'est encore plus fort : il n'y a plus de raisons de chanter, il ne reste plus que la voix et le récit.
Dans sa situation, Cassandre, qui avait la faculté de prédire l'avenir, ne peut plus que regarder en arrière : l'action est passée, comme une longue coda». Pour toutes ces raisons, Jarrell composa donc un opéra dont il réserva le rôle unique à une comédienne. À ses yeux, il était essentiel que le texte soit porté par une voix parlée, dont le débit, tout en variant en fonction des flux musicaux, préserverait la qualité fluide, l'émotion intérieure, d'une narration flottant librement, «par bribes, par sauts, par associations d'une pensée à l'autre», entraînant dans leur courant «deux grands moments de véritable récit». Ainsi est né Cassandre, «monodrame sans chant» parmi les plus réussis de la décennie.
Georges Lavaudant, qui avait déjà dirigé Astrid Bas dans ce rôle à l'occasion de sa création en Espagne, approfondit ici ce travail aux côtés de l'Ensemble intercontemporain et de sa nouvelle directrice musicale, Susanna Mälkki. Cassandre est la prophétesse qui vit approcher, sans que nul ne puisse l'entendre, la destruction de sa cité et l'extermination des siens. En découvrant l'adaptation scénique du Cassandre de Christa Wolf, le compositeur Michaël Jarrell fut fasciné par l'opposition entre la version officielle - héroïque, homérique, masculine - de la chute de Troie et l'expérience singulière qu'en fit la femme vaincue.
Georges Lavaudant recrée ici ce très beau «monodrame sans chant» aux côtés de l'Ensemble intercontemporain et de sa nouvelle directrice musicale, Susanna Mälkki.