Après avoir repris le travail en décembre 2020, les 15 adolescents se sont retrouvés durant une semaine de stage du 16 au 19 février 2021 à l’Espace 1789 de Saint-Ouen, dirigés par Mickaël Phelippeau et la chorégraphe et interprète Lou Cantor, nouvelle collaboratrice artistique cette saison.
Afin de rendre compte de cette semaine écoulée, toujours dans le respect des règles sanitaires en vigueur à ce moment là, nous avons demandé à deux d’entre eux de raconter à leur manière ces quatre jours de travail intense. Armelle et Olivia ont souhaité témoigner.
Aussi, nous vous proposons de découvrir les premiers croquis de la scénographie de la création finale Young Yellow Years réalisés par la créatrice lumière Abigail Fowler.
Enfin, Lou Cantor nous raconte son arrivée sur le projet et son travail avec les jeunes durant cette session de stage.
Armelle Puzenat, 17 ans, Paris 17e
« J’ai essayé de résumer cette semaine de stage en écrivant un acrostiche, le voici :
(à la verticale lisez ADOLESCENCE ET TERRITOIRE(S))
Arrivés tous plein d’énergie
Dès le deuxième jour, la fatigue arrive
On a dansé comme des furies
Lâché prise comme des oiseaux
Enchaîné les portraits
Surpris par ce qu’on était en train de créer
Comme une bande d’enfants un peu trop bruyants
Et réclamant toujours une pause.
Nous nous sommes encore plus découverts
Comme une grande famille qui naît
Et qui veut donner le meilleur d’elle-même.
Enterrer nos aprioris parfois
Tester des choses nouvelles
Trouver cet équilibre qui rend tout beau
Et se faire confiance tout du long
Respirer calmement pendant les échauffements
Regarder réellement chaque élément du groupe
Inventer des chorégraphies crevantes
Traverser l’océan encore et encore
Oui nous ne nous désolidariserons pas !
Ignorant les discours pessimistes qui disent qu’on ne jouera pas,
Réinventant ce qu’on a déjà inventé
Et l’accumulation on l’a bien accumulé
à (S)uivre... »
-
Olivia Lambert, 17 ans, Paris 17e
"La lumière s’éteint
Les visages figés par la concentration
Éclairés pas une dernière lampe
Au-dessus des masques, nos yeux fixent une même direction
Un téléphone chante
Et sous cette mince lumière
Nous nous mouvons en chœur
Tel un banc de poissons"
-
Proposition d'implantation du sol jaune pour les 3 plateaux où sera joué Young Yellow Years.
Croquis réalisés par Abigail Fowler
Espace 1789
Ateliers Berthier
T2G
-
Interview de Lou Cantor réalisée par Ketchup Mayonnaise
Lou Cantor, chorégraphe et interprète, a tout juste rejoint l’équipe artistique durant cette deuxième étape du travail.
Elle accompagne depuis plusieurs années le travail de Mickaël Phelippeau en tant qu’interprète et c’est la première fois qu’elle collabore avec lui sur un projet dans lequel elle ne l’est pas.
KM : Vous venez tout juste de rejoindre la 9e édition, pouvez-vous nous expliquer votre arrivée?
LC : Je suis arrivée sur cette aventure parce que Marcela Santander Corvalàn, qui était là l’année dernière, ne pouvait pas continuer le projet et Mickaël a fait appel à moi pour compléter l’équipe. La première fois, je suis venue une matinée durant le stage de décembre pour rencontrer les adolescents et voir leur travail.
J’ai suivi le projet depuis le début sans savoir que j’allais participer, j’ai connu les histoires de chacun, je connaissais déjà un peu les adolescents avant de les rencontrer pour de vrai, par leurs histoires. Et puis, on a pris quelque temps avec Mickaël pour travailler à cette semaine sur laquelle j’allais commencer le travail, et je crois que je reviendrai à chaque séance, je ne les quitte plus ! Rires.
KM : Avez-vous déjà entendu parler de ce projet avant que Mickaël ne vous en parle ?
LC : Je n’avais jamais entendu parler du projet et je le trouve formidable ! Il se relie très bien au travail de Mickaël, c’est cohérent. J’ai un plaisir à suivre Mickaël dans son travail et je suis ravie de participer à cette aventure.
KM : Comment avez-vous rencontré les adolescents ?
LC : J’ai beaucoup entendu parler d'eux, je connaissais à peu près chaque personne, en tout cas certaines histoires sur des personnes. Après, ça a été très fort car je suis tombée sur un groupe qui se connaissait très bien, le fait qu’ils aient déjà travaillé ensemble l’année dernière, j’ai eu la sensation que c’était un groupe très attentif, qu’ils se connaissaient entre eux et le travail de Mickaël.
C’est donc très agréable de travailler avec eux, on peut proposer beaucoup de choses et ils sont toujours partants ! On a la sensation qu’ils savent où on va, et qu’ils nous suivent sans émettre de doute, ce qui peut arriver avec un groupe qui ne connaît pas encore le travail, avant que les pièces aient une forme.
Parfois, cela peut être difficile de se faire comprendre et que les personnes, surtout si elles ne sont pas des professionnels, comprennent là où on va et cernent la chose. Là, c’est très fluide, ils sont très partants et veulent bien faire n’importe quoi je pense !
Cette semaine, j’ai observé et découvert ce qui a été fait, Mickaël m’en avait déjà parlé mais c’était l’occasion de voir cela pour de vrai, ce qui se mettait en place. Il y a déjà beaucoup de matières. C'est chouette pour Mickaël et Hortense Belhôte que j’ai un regard neuf sur ce qui a été mis en place sur cette saison mais aussi sur la saison d’avant. Ça donne un regard neutre sur ce qui a été fait, et je peux raconter ce que je vois, moi, à l’heure actuelle. Maintenant ça va être un travail de recherche de nouvelles matières et voir comment on les assemble. Comme disait Mickaël, il ne faut pas forcément amener de nouvelles choses mais plutôt comprendre comment moi je peux accompagner ça. Comment je peux proposer des exercices qui vont permettre d'être plus à l’aise dans ce qu’ils ont déjà, et voir comment on agence les choses, comment on les complète et comment cela se met en place.
KM : Comment vous êtes-vous réparti les rôles Mickaël et vous ?
LC : Pour l’instant, j’analyse les caractères de chacun, je tente de comprendre comment chaque adolescent fonctionne, comment il faut se comporter avec chacun d’entre eux. J’apprends à les connaître. Il faut ensuite qu'ils me fassent confiance ; ils ne me connaissent pas, donc il y a une vraie découverte autant pour eux que pour moi. Après on verra comment on répartira tout ça.
C’est bien d'être deux pour aller les chercher, les motiver et leur donner un peu plus d’énergie, mais je vois que le groupe fonctionne bien, il n'a pas besoin de quelqu’un supplémentaire pour les fliquer ou être derrière eux. J’ai plutôt l'impression que je peux apporter des éléments qui sont les miens et qui permettront de nouvelles découvertes et de nouvelles façon de faire les choses. Finalement mon rôle est plutôt dans la construction avec Mickaël, je dois créer du lien avec eux en leur proposant des choses de moi.
KM : Comment s’est déroulée cette semaine de travail avec le groupe ?
LC : Pour ce projet, Mickaël a deux envies, la première c’est la notion de la parole. L’idée est que les danseurs parlent constamment, que l’on entende toujours un bruit de voix. Et la seconde envie, c’est le rapport au cercle, qu’il y ait toujours le rond, le cercle, etc.
Avec mon arrivée, en sachant ces deux éléments, je pose des questions par rapport à ce qu’ils ont formulé “comment on peut voir le cercle?” ou “là on ne le voit pas assez, ou trop”. Hortense et Mickaël sont déjà allés loin dans leur rapport à leur désir et ce n’est pas à moi de ramener un autre désir à l'intérieur de ça, j’arrive trop tard pour cela.
Aussi, je pense qu’en ayant entendu et vu le travail fait en amont, j’ai eu le temps de réfléchir sur des exercices sur le rapport danse/voix. Il y en a certains que je connais car je les ai expérimentés dans mon parcours de danseuse et cela pourrait permettre d’avoir des outils supplémentaires et des façons de travailler qu’ils n’ont pas encore abordés de cette manière là. Je pense pouvoir proposer des jeux nouveaux qui permettent de continuer à peaufiner ces histoires de voix. Par rapport au cercle, je travaille beaucoup avec Béatrice Massin, une chorégraphe qui travaille sur la danse baroque et sur l’espace, donc je pense que je peux avoir une expertise à cet endroit là, de jeu et de mise en place qui permet d'avoir une sensation du cercle encore plus forte que là où ils en sont.
KM : Comment se sont déroulées ces séances avec le port du masque et la contrainte des gestes barrières ?
LC : L’année dernière ils ont travaillé sans masque car la question ne se posait même pas. Moi, je ne les ai vus que masqués, c'est-à-dire qu’il y en a certains dont je ne connais pas la tête mais que leurs yeux.
C'est assez drôle, même étrange, de travailler avec tout un groupe sans connaître leur visage et je crois qu’ils ne connaissent pas le mien non plus. Peut être que ça crée une certaine distance. Finalement, on commence à savoir travailler avec, on arrive quand même à se transmettre des choses.
Aujourd’hui c’était hyper fort de se donner la main, masqués, avec des gants jaunes. Je n’arrivais pas à sortir de ce moment de travail, à me mettre à l’extérieur, car c’était trop bon d’être en contact avec autant de monde ! On a travaillé sur le cercle, sur la ronde et c’est hyper fort dans le contexte actuel. Je me disais “c’est fou, ils sont pas du tout réticents, ils se donnent les mains sans aucun problème”, alors que ma peur à moi justement, c’était leur rapport à ces gestes barrières.
C’est déjà difficile de ne pas être en contact et que cela soit le cas pendant plusieurs années risque de créer des gens qui ne se touchent pas. En fait, c’est assez joli de voir comment ils le font sans aucun problème, c’est même nous qui sommes plus vigilants qu’eux, à leur rappeler qu’on met les masques, et le gel et c’est chouette de voir que rien n’est parti dans ce sens là. Il faut juste espérer que quand on avancera on pourra travailler un jour sans masque et sans gants. La danse c'est quand même l'expression de tout le corps et du visage et aussi le contact, donc il y a quand même quelque chose qui manque à cet endroit là.