Pour cette deuxième semaine de stage, le groupe d’Adolescence et territoire(s) s’est retrouvé au T2G - Théâtre de Gennevilliers du lundi 17 au vendredi 21 février, avec les artistes Mickaël Phelippeau et Marcela Santander Corvalàn.
Afin de rendre compte de leur semaine écoulée, nous leurs avons demandé de nous raconter ce deuxième stage à leur manière. Voici ce qu’Olivia, Maxime, Gabriel et Alexandre ont souhaité nous transmettre. Enfin découvrez l'entretien de Marcela Santander Corvalàn réalisé par Ketchup Mayonnaise.
Reportage photo d’Olivia, 16 ans, Paris 17e
Avant de démarrer le travail, Assia Ugobor, chargée des relations publiques au T2G - Théâtre de Gennevilliers leur propose une visite du lieu.
Visite du T2G lundi, avec un peu de retard :)
Sur les toits du T2G. Il y a un potager et même des poissons !
On répète le spectacle et j’adore mon rôle: je fais mon sac à dos pour partir en voyage et je peux prendre autant de photos que je veux.
Maxime, 16 ans Gennevilliers
“Bonjour je me présente je m'appelle Maxime et je fais partie du projet Adolescence et territoire.
Je voulais vous exprimer mon avis par rapport à cette folle aventure que je parcours. La 1ere fois qu'on m'a parlé du projet je voulais absolument y aller car je cherchais vraiment à faire quelque chose qui me faisait découvrir de nouveaux horizons, qui me sortait de mon cocon habituel mais lorsque j'ai vu le planning cela m'a fait très peur et j'ai voulu y renoncer car je suis en 1ere et j'ai le bac en fin d'année et j'avais déjà une activité extra scolaire donc je me disais que ça allait faire trop et je ne voulais pas. Mais en y réfléchissant je me disais qu’avec un peu d'organisation ça allait le faire, j'étais vraiment trop curieux pour laisser passer une opportunité pareille. Puis au final j'ai eu raison de m’être inscrit car je fais des rencontres fabuleuses toute l'équipe est super sympa les autres jeunes avec qui je participe au projet sont tous mais vraiment tous 1 par 1 super cool il y a vraiment des gros liens qui se sont créés entre nous rien que la 1ere semaine du stage.
Au final je ne regrette absolument pas de m'être lancé dans l'inconnu et je vous souhaite à tous de trouver des opportunités pareilles avec des gens aussi formidables que ceux que je côtoie à adolescence et territoires.
P.S. : J'ai aussi réussi à m'organiser dans mon travail ce qui est un exploit. Ne vous inquiétez pas pour ceux qui ont des épreuves lancez-vous !”
Alexandre, 17 ans, Saint-Ouen
“Je me suis inspiré de la danse de Mickaël durant le stage et tout ça m'a permis d'affiner ma technique de popping et aussi à progresser techniquement sur mes mouvements.”
Gabriel, 18 ans, Gennevilliers
Pour ce second stage d’adolescence et territoire, nous avons passé une semaine au Théâtre de Gennevilliers. Quel plaisir ce fut de retrouver le groupe, les retrouvailles ont été tout ce qu’il y a de plus naturel, tout le monde s’entend bien, cela fait plaisir à voir.
Le travail dans ce projet n’est pas facile à nommer, on ne sait pas forcément où on va et on travaille plein de choses, je pense qu’il serait par exemple imprécis de parler de danse, ou même de théâtre. Personnellement quand on me pose la question je dis que nous travaillons l’expression corporelle, c’est une appellation plus vaste qui regroupe à la fois le travail du corps que l’on fait tout au long du stage, mais aussi de la voix, et de l’imagination. L’expression corporelle c’est utiliser son corps pour exprimer des émotions, faire passer des messages, voire faire de l’art. En cela nous sommes proche à la fois du théâtre et de la danse. L’idée de faire de la danse, ou de l’expression corporelle, a pu en rebuter certains au premier abord, pensant qu’ils feraient du théâtre comme ce fut le cas pour la 7 e saison d’adolescence et territoire. C’est aussi ce que j’ai pensé au départ, mais ces stages m’ont fait réaliser quelque chose d’essentiel dont je n’avais pas vraiment conscience avant, l’importance du corps sur la scène. Je fais du théâtre depuis 8 ans, mais jamais je n’avais vraiment réfléchi à la question du corps, dans un sens de placement où de posture, mais aussi et surtout d’expression, que peut on faire passer comme émotion, ou réflexion à travers un corps, ou des corps ? Cette 8e saison d’Adolescence et territoire est un voyage vers cette branche de l’art du spectacle, la branche du corps, et celle-ci est passionnante à expérimenter. Au delà de l’apport indéniable que ces stages offrent pour une pratique théâtrale ou chorégraphique, ils sont aussi un bon moyen de prendre confiance en soi. Même en sachant bien s’exprimer, il y a souvent quelque chose qui nous pèse, c’est le corps, le contact physique avec l’autre, le regard de l’autre sur nous, nos gestes, etc. Les exercices que nous traversons, portés, massages, danses collectives, compositions corporelles dans l’espace, nous habitue au contact, à la vue du corps de l’autre, c’est très important.
Enfin, il est exaltant de composer ensemble des créations scéniques, elles partent autant d’idée de Mickaël et Marcela, les chorégraphes avec qui nous travaillons, que d’idées ayant germées dans l’esprit du groupe. Nos compositions sont comme un tourbillon d’idées représentant chacun de nous à la fois individuellement par des éléments discrets, et collectivement par des éléments qui nous rassemblent.
Tout ça pour dire qu’Adolescence et territoire, c’est une expérience à part, qui marque et qui restera sans aucun doute dans nos mémoires.
Dans le cadre de son entretien pour le documentaire réalisé par la société de production Ketchup Mayonnaise, Marcela Santander Corvalàn témoigne de son engagement dans le projet.
Comment es-tu arrivée à travailler dans le projet Adolescence et territoire ?
Je suis une suis danseuse et une chorégraphe, je viens du Chili, et ça fait 10 ans que j’habite en France. Avec Mickaël on travaille ensemble depuis très longtemps, 8 ans je dirais. Je l’ai toujours accompagné dans la création des projets avec des groupes, donc on a cette relation de collaboration depuis très longtemps. quand cette proposition est arrivée il m’a invité et j’ai accepté avec joie.
Peux tu nous raconter comment s’est passée cette 2eme semaine ?
C’est notre deuxième période de travail, c’est assez beau car tu te retrouves avec des jeunes que tu connais un peu mieux. Tu as la sensation d’avoir avancé d’un point de vue humain. Il y a déjà une petite relation avec le groupe.
La semaine a été divisée en deux temps ; lundi et mardi on a plus discuté autour de la pièce qu’ils sont allés voir, Ben & Luc*, de Mickaël. Les entendre parler de leur expérience en tant que spectateur c’était super intéressant car on s'aperçoit que ce sont des gens qui ont beaucoup de choses à dire par rapport à ce qu’ils voient. Ils étaient tous assez content de la pièce de Mickaël, ce qui nous a soulagé, dans un contexte de travail ça nous donne un direction. On a débriefé sur tout ce qu’ils avaient vu en tant que spectateurs.ices. Et puis on a ouvert des nombreux chantiers de travail. Mardi soir on s’est aperçus qu’il y avait plein de doutes chez les jeunes “on va où?”, “on fait quoi ?”, “qu'est ce que ça sera à la fin ?”.
On s’est aperçus avec Mickaël qu’on parlait beaucoup trop pendant les séances de travail, et on décidé de les cadrer plus. On a mis en place deux temps de parole ; au début et à la fin. De cette manière on a pu enchaîner plus pendant les séances et on a eu beaucoup de réponses qui se sont faites par la pratique, par le faire. Il y a cette attente de spectacle très forte de leur côté, et nous les avons rassurés en leur expliquant que c'était notre métier, de construire une trame, de créer un spectacle, ce qui a permis de soulager certaines questions. Cette semaine on fait des choix, de cette manière ils ont la sensation de traverser quelque chose, avec un début et une fin. On s’est dit avec Mickaël qu'il est important que lorsqu’ils partent de cette semaine de travail, ils aient la sensation d’avoir vécu quelque chose de concret.
*Ben & Luc de Mickaël Phelippeau vu par le groupe dans le cadre du parcours de spectateur le 14 janvier 2020 à l’Espace 1789 de Saint Ouen.
Comment se déroule la collaboration avec Mickaël ?
C’est une questionne que l’on se pose en permanence. À chaque fois on se questionne car on a pas du tout les même compétences, pour ma part je fais les liens avec les groupes et les envies de Mickaël. Parfois, quand il a du mal à nommer les choses, je trouve des outils, qui me permettent de plus pratiquer avec les jeunes, car je trouve beaucoup en faisant avec eux, dans ces cas là je fais le lien entre les envies, le plateau et les idée de Mickaël. Je pense que j’ai une approche plus corporelle, sensible. J’adore faire l’échauffement, inventer des exercices. J’aime chercher la musicalité, les mots. Je pense que notre collaboration elle est là; il me dit “je voudrais faire ça, arriver à cet endroit là” et moi je trouve le chemin pour y arriver. Chaque jour on réajuste, on articule, il est très à l’écoute de nous, d'Hortense et de moi. On a tous des compétences très différentes qui s’articulent bien. Et comme ils sont 28, parfois j’ai la sensation qu’il arrive à voir certaines choses chez certain.e.s et moi j’en vois d’autres. Quand on travaille c’est comme si on était quatre yeux à voir tout ce groupe ensemble.
Ils sont assez demandeurs de savoir à quoi ça va ressembler, comment vous gérez ça ? Comment vous arrivez à les tenir en patience par rapport à ça ?
C’est une négociation quotidienne entre leurs attentes et leur espace de liberté. C’est un équilibre. Je pense que les jeunes sont habitués à être cadrés, tant dans le domaine scolaire, que familial. Ils arrivent dans cet espace de liberté où tout à coup on leur dit “faisons ça, mais on peut changer d’avis et vous pouvez proposer ce que vous voulez”. C’est beaucoup de liberté d’un coup et ça peut faire peur. Donc on essaye de faire en sorte de cadrer, mais de laisser beaucoup de liberté au sein même du ce cadre. Et c’est tout cet équilibre quotidien qu’on trouve dans les mots, dans la relation, dans les exercices, dans l’exigence. Car on est très exigeants avec eux et on les traite comme des vrais performers/danseurs. On veut les tranquilliser sur le fait qu'on va arriver à construire, mais ce n’est pas ça le plus important. Le plus important, c’est l’expérience qu’on vit ensemble, le temps qu’on passe ensemble. Je disais à l’une d’eux “combien de fois tu as fait un plié dans ta vie ? Quand tu fais de la danse classique tu fais mille pliers par jour, et bien c'est ça aussi, les répétitions, l’expérience, le temps passé ensemble permet de répondre aux questions que vous avez”. On est pas habitué à se lancer dans des choses sans savoir ce que cela va devenir.
Est-ce-que tu peux nous parler des exercices autour de la folie ?
C’est juste un exercice pour le moment, mais justement, j’essaye de comprendre cet exercice qui a été proposé par Hortense lors du premier atelier de travail en décembre dernier. Il en est ressorti une énergie assez saisissante et Mickael adore cette matière, mais moi j’ai du mal à comprendre où elle se situe par rapport au reste. Donc je pense que pour l’instant c‘est une sorte de source d’énergie saisissante, on a envie qu’elle reste, mais on a encore du mal à la nommer et à trouver ce que c’est. D’ailleurs je ne suis pas sûre que ça soit que de la folie, c’est une extrême énergie. Mais comme on avance on veut nommer les choses donc on a appelé ça la folie mais je ne suis pas sûre que cela soit le bon terme. C’est une explosion d’énergie avec des interprétations très différentes.
L’autre exercice, on avait envie de créer une sorte de choeur qui dit des choses, on leur a demandé quel texte ils connaissaient par coeur. Fanni a proposé un texte qu’elle avait appris à l’école, la lettre de Perdican dans On ne Badine pas avec l’amour d’Alfred de Musset. Elle nous a raconté qu’elle avait détesté ce texte au début, mais qu’elle l’a gardé en tête. On a trouvé ce principe où elle lance le texte comme ça au groupe, et il répète après elle et on a trouvé cela intéressant. Pour l’instant je ne sais pas si on va garder ce texte là, mais ça nous permet d'aborder la question “qu'est ce que c’est parler en groupe, parler en rythme, s’écouter et répondre, et trouver une manière de parler et marcher en même temps”. Puis ces mots deviennent plus abstraits et créent une matière sonore, et ça se transforme en une manifestation au ralenti. On leur apprend à transformer un chose concrète et narrative à quelque chose de plus abstrait. On crée une sorte de nappe, de matière sonore, qui s’éparpille.
Hier tu insistais sur l’écoute, comment tu arrives à leur faire comprendre ça ?
C’est une grande question qui traverse dans mon travail. Je pense que c’est un moteur fondamental dans les relations sur le plateau et ailleurs, mais aussi de la danse de parole et de la musique. Je pense qu’une fois qu’on ouvre l’écoute à l’intérieur de soi et dans l'autre c’est un terrain où on peut accepter des choses. J’essaye de leur faire comprendre que plus on ouvre et on pratique cette écoute, plus on va avoir la possibilité de comprendre ce qu’il va arriver. Autant dans les exercices, les échauffements, autant quand on est groupe, plus on écoute, plus c’est facile. Ils sont 28, donc forcément il y a plein de choses qui se passent. Donc j’essaye de freiner l’activité et de les mettre dans des états plus physiques et mentaux, plus sensibles. J’essaye de les sensibiliser en fait, j’essaye d’insister de manière individuelle sur cette écoute envers soi, à travers des exercices les yeux fermés, des massages aussi, afin de réveiller le corps. Parce-que se mettre dans son corps ce n’est pas évident surtout à cet âge. On leur demande beaucoup, être à l’écoute de leur corps c’est une ouverture, une intimité avec soi. Et après coup, cette intimité peut être bénéfique dans le groupe. On est moins dans l’action, moins dans la volonté et plus dans cette écoute sensible. C’est un peu hippie mais l’idée est là ; créer un groupe où chacun a sa place, et par le corps et l’écoute on y arrive.
Vous allez faire quoi cet après midi ?
Nous avons trouvé un principe de travail très intéressant qui est de se concentrer sur des sensations quotidiennes, car le corps change beaucoup d’un jour à l’autre. On réveille les corps à l’intérieur et après de manière plus dynamique. Donc on fait un bon échauffement qui touche ces deux endroits.
Aussi, on va un peu avancer, sur le principe des boucles, que l’on voudrait retrouver dans la pièce. J’ai proposé à Mickaël deux chansons qui pourraient faire une boucle. Les derniers jours on va essayer de traverser toutes les matières qu’on a, pour voir ce qu’il nous reste, ce qui marche et ce qui ne marche pas.
Tu peux nous parler de l’exercice du porté ?
C’est un moment de Ben & Luc où ils se portent, et on a décidé de transmettre cette matière car elle comporte de la techniques et des principes de relations. D’un coup ils doivent travailler avec quelqu’un d’autre, porter et écouter le poids de l’autre, et comprendre comment ils passent d’un porté à un autre. En même temps c’est quelque chose que l’on peut faire de manière assez simple car tout le monde peut soulever l’autre. Donc c’est aussi une matière qui est simple à composer. Ils ont composé leur propre portés. et à l'intérieur de cette composition spontanée on travaille plein de choses, le poids, les transitions, la relation à l’autre, l’écoute. On aimerait faire une boucle de portés.
Qu’est ce que tu retiens de toute cette aventure ?
C'est un super groupe ! Je trouve qu’ils sont très touchants et très divers. Ils nous obligent à travailler et nous questionnent tout le temps sur le pourquoi du comment. Ils sont très exigeants, et je sens qu’on peut les amener loin. Individuellement ils sont très passionnants et en groupe ils ont beaucoup de bienveillance, ils ont du désir. Nous avons vraiment toute la matière pour travailler.
Pour les prochaine semaines à venir, comment le projet va évoluer ?
En mars on va faire deux week-ends juste avec Hortense, Mickaël ne sera pas là. C’est intéressant car on aura une autre configuration, la présence d’Hortense qui est comédienne, va permettre de pointer plus sur le texte, et de travailler sur le choeur. On doit aussi retravailler la danse, aller plus loin dans la précision, dans la sensation, dans l'imaginaire. Pour l’instant je sens qu’on touche plein de portes, et au fur et à mesure que l’on avance, on va préciser autant dans l’imaginaire, que dans la sensation, et on verra la forme que cette pièce va prendre. Maintenant je pense que nous avons les matières, il faut juste plonger dedans. En mars on a encore le temps d’expérimenter des choses, et en avril/ mai on va commencer à rassembler les éléments et à écrire.
Propos recueillis par Ketchup Mayonnaise le vendredi 21 février 2020 au T2G - Théâtre de Gennevilliers.