La Mort de Danton

Lavaudant Georges
April 25 2002 to May 31 2002
Théâtre de l'Odéon

Büchner Georg


Avec la troupe de l'Odéon, Georges Lavaudant conclut une saison au cours de laquelle l'oeuvre dramatique complète de Büchner aura été présentée dans nos murs. L'homme qui écrit La Mort de Danton n'a pas vingt-deux ans. Contraint de se tenir tranquille - la police le soupçonne d'activités subversives -, il compose en moins de deux mois un drame d'une nervosité elliptique dont le secret semblait perdu depuis les Elizabéthains. Alternant intérieurs et extérieurs, scènes de toutes dimensions, parler populaire et harangue publique, le jeune étudiant en médecine serre au plus près la trajectoire inflexible qui, du 30 mars au 5 avril 1794, conduit à la guillotine les adversaires politiques de Robespierre. Danton, qui tantôt consent tantôt se refuse à se laisser emporter vers la mort, est avec Richard II l'une des grandes figures théâtrales de la marche au néant. Au delà du souverain shakespearien, Büchner remonte jusqu'à l'un de ses modèles, conférant parfois à son héros une aura discrètement christique : aux dernières heures de sa captivité, Danton reste seul à veiller parmi ses compagnons, tel Jésus au mont des Oliviers. Mais Danton n'est ni un roi, ni un dieu - ces figures éprouvées ne peuvent plus fournir de masque qui lui convienne. Au nom de quoi marche t-il au supplice? Avec cette question, Büchner achève de refermer le siècle des Lumières : le sens rationnel d'un progrès de l'esprit humain est désormais si loin de se laisser saisir que même une logique tragique ou sacrificielle ne permet plus d'en rendre compte. Dans ce formidable vacillement, c'est la Révolution elle-même qui finit par être ébranlée. La Terreur n'est-elle qu'un des voiles dont se couvre la Raison dans l'Histoire ou le premier effet panique d'un effondrement de tout sens ? L'absolu est-il radicalement, originellement subverti par sa propre parodie ? La moindre des surprises que nous réserve Büchner, c'est qu'il ne se prononce pas : à la place d'une réponse viennent se faire entendre des voies inouïes dont le tremblement et le grain fondent notre modernité.

A lire...
Jules Michelet : Histoire de la Révolution française, Laffont, coll.s, 1999.
Frédéric Bluche, Stéphane Rials, Jean Tulard : La Révolution française, PUF, coll. Que sais-je?, 1992.
Jean-Christophe Bailly : "Du récit au geste. Endurance de la modernité", in Panoramiques, Christian Bourgois, 2000.