Médée

Qui est-elle? Une princesse de sang royal, née aux confins de nos contrées humaines. Une lointaine cousine de Phèdre la Crétoise, comme elle petite-fille du Soleil, héritière et porteuse de puissances divines ou démoniaques qui nous dépassent. Une femme qui fit tout pour l'homme qu'elle aima, trahissant son père, tuant son frère, acceptant la fuite et l'exil, déchaînant pour plaire à Jason tous les prestiges de son atroce magie, déchirant les liens de l'humanité afin d'en nouer de nouveaux.

Or voici que ces liens se rompent à leur tour : Jason la quitte, et ose lui en dire en face les pitoyables raisons d'intérêt, allant jusqu'à prétendre qu'elle le remerciera un jour au nom de leurs enfants.

Qui donc est Médée? Un être hybride que la fatalité contraint à dépouiller ce qui lui reste d'humanité, à rejoindre un autre monde hors de nos prises en tuant ses propres enfants? Une femme outragée, coupable et victime trop humaine d'un banal crime passionnel? Ou la figure nécessaire et troublante en laquelle l'inhumain et le fait divers se conjoignent et se brouillent l'un l'autre?

Une chose est sûre : après la Cour d'Honneur, son mythe prendra à l'Odéon les traits d'une actrice sans pareille. Car aux yeux de Jacques Lassalle, seule Isabelle Huppert pouvait exprimer, comme elle le fait depuis son premier film, "cette dualité, cette matité, cette incandescence du gris".

Lire aussi :
Euripide : Médée, tr. M. Gondicas et P; Judet de la Combe, éd. Comp'act, 2000.
Jacques Lassalle : Pauses, éd. Actes-Sud, 1991, L'amour d'Alceste, éd. POL, 2000.