(1929 - 1995)
Poète et auteur dramatique allemand, situé à la charnière des deux Allemagnes, Heiner Müller a produit une œuvre dramatique qui joue avec des matériaux littéraires, des thèmes mythiques, des réflexions historiques et politiques sur l'Allemagne et l'Europe, sur la mort des grandes idéologies du XXe siècle, des bribes de pensées...
Dans le contexte de l'après seconde Guerre mondiale, c'est une vingtaine de pièces que compose l'écrivain, à partir de restes - dit Müller - de textes faits d'éléments écrits à différentes époques, de souvenirs personnels et tirés de l'histoire, etc.
Ses premiers textes proposent des représentations critiques des réalités économiques et sociales de l'Allemagne de l'Est (République Démocratique Allemande) : L'homme qui casse les salaires (1956), La construction (1964), Tracteurs (1956-1961/1974) mettent ainsi à distance, via la scène, l'histoire contemporaine et l'imaginaire allemand. On a nommé « dramaturgie de la production » cette pratique d'écriture dont les compositions procèdent d'un travail d'enquête et de distanciation ironique de la société Est-allemande.
Müller donne à penser notre (post-)modernité lorsque, sortant de ce contexte territorial, il se tourne du côté des textes antiques (avec Homère et Sophocle : Prométhée, Médée, Philoctète, Héraklès, etc.), de la Renaissance (Shakespeare : Hamlet) ; ou vers un libertin du siècle de l'Auflärung - des Lumières (Choderlos de Laclos, Les Liaisons dangereuses, 1782 : ce roman épistolaire lui servant d'ailleurs de matériau d'inspiration pour la pièce Quartett).
Il se penche également sur le travail du penseur qui retourna les valeurs et inspira les grandes dé-constructions du XXe siècle, Nietzsche, et sur la « pensée française », de Foucault à Virilio, en passant par Deleuze, Baudrillard, Lyotard.
Par une singulière pratique d'écriture, il entreprend de réécrire des textes anciens, faisant exploser tant la notion de drame que celle d'œuvre d'art.
Si les variations sur des thèmes anciens constituent un premier aspect des œuvres poétiques et/ou dramatiques de Müller, ses textes deviendront post-dramatiques après 1970. La question de la tragédie du communisme est alors traitée dans des pièces comme Ciment, et plus particulièrement avec des préoccupations liées à l'Allemagne, dans la Bataille, Tracteur, Germania, Mort à Berlin.
Au début des années 1980, l'écrivain met en scène certains de ses textes, tels La Mission (1980), un Macbeth (1982) réécrit par ses soins ; suivront L'homme qui casse les salaires (1988), Hamlet-Machine (1977, mise en scène par l'auteur en 1990), Mauser et Quartett (1991). Avec la Route des chars (1984-1987), Müller évoque le cas du couple germano-soviétique pendant et après la seconde Guerre mondiale, anatomisant avec ce regard « dans le blanc des yeux [de l'histoire] » le socialisme réel de l'Allemagne de l'Est.
Devenu en 1992 membre du collectif de direction du Berliner Ensemble - fondé par Bertolt Brecht, - il met en scène La Résistible Ascension d'Arturo Ui en 1995, l'année de sa mort.
A l'Odéon :
- Der Lohndrücker, ms de l'auteur, 1988
- Quartett, ms Robert Wilson, 2006