« Je suis Suisse, on n’y peut rien changer », dit de lui-même Christoph Marthaler, qui est en effet né à Erlenbach, dans le canton de Zurich, en 1951. Ses études musicales – il travaille entre autres le hautbois et la flûte – l’amènent à tenter quelques expériences de free jazz à base d’instruments anciens. Formé à l’école de Jacques Lecoq, dont il suit les cours pendant deux ans sans renoncer à la musique, il travaille pendant les années 70 au Neumarkttheater de Zurich, aux côtés de Horst Zanki, en tant que musicien de théâtre. En 1979, il fait à ce titre une tournée à travers toute la Suisse au sein du « Schaubude » de Peter Brogle.
Ses premiers projets musico-théâtraux, d’inspiration néo-dadaïste (Erik Satie, Kurt Schwitters) datent du début des années 80 et sont présentés sur des scènes alternatives zurichoises. Dans la décennie suivante, ses mises en scène au Théâtre de Bâle (où il est invité par Frank Baumbauer dès 1988), au Festival de Salzbourg, à la Deutsche Schauspielhaus de Hambourg et à la Volksbühne de Berlin confirment sa réputation de créateur théâtral, dont les œuvres contribuent à abolir les distinctions entre théâtre à texte et théâtre musical. Vers cette époque, Marthaler aime à élaborer, à partir de la forme simple et traditionnelle que constitue le récital chanté, plusieurs spectacles qui donnent à voir l’ « helvétitude », si l’on peut dire, à travers des chants de l’armée suisse, ou à l’occasion du sept-centième anniversaire de la Confédération. Mais le spectacle légendaire qui lui vaut une notoriété internationale, monté à la Volksbühne, est un requiem pour la RDA : Murx den Europäer ! Murx ihn ! Murx ihn ! Murx ihn ab ! (Bousille l'Européen ! Bousille-le ! Bousille-le ! Bousille-le bien!) en 1993.
La même année, Frank Baumbauer prend la direction du Schauspielhaus de Hambourg, et y invite Marthaler, qui y met en scène plusieurs de ses grands spectacles : Faust, Wurzel aus 1+2 (Faust. Racine de 1+2) d'après Goethe, Die Hochzeit (Le Mariage) de Canetti, Kasimir und Karoline de Horvath, et les projets Die Stunde Null oder Die Kunst des Servierens (L'Heure zéro ou L'art de servir) et Die Spezialisten, ein Gedenktraining für Führungskräfte (Les Spécialistes, un entraînement mémoriel pour cadres) - un spectacle qui, depuis sa création en 1995, a tourné dans le monde entier. Marthaler poursuit cependant son travail à la Volksbühne. Il y crée, entre autres, Sturm vor Shakespeare (Tempête devant Shakespeare), Drei Schwestern (Les trois sœurs) de Tchekhov, Lina Boeglis Reise (Le Voyage de Lina Boegli), La Vie parisienne de Jacques Offenbach, sous la direction de Sylvain Cambreling. Encouragé par Cambreling et en étroite collaboration artistique avec lui, Marthaler commence dès lors à mettre en scène des opéras : Pelléas et Mélisande de Debussy, Luisa Miller de Verdi, Fidelio de Beethoven, Pierrot Lunaire /Quatuor pour la fin du temps de Schönberg /Messiaen, Katja Kabanova de Janacek, Les Noces de Figaro de Mozart.
En 2000, Marthaler prend la direction du Schauspielhaus de Zurich avec la dramaturge Stefanie Carp. Il y met notamment en scène Was ihr wollt (La Nuit des rois) de Shakespeare, Die schöne Müllerin (La Belle meunière) de Schubert, les projets Hotel Angst (Hôtel peur), Groundings, Goldene Zeiten (L'Age d'or), In den Alpen (Aux alpes) de Jelinek, et enfin Dantons Tod (La Mort de Danton) de Büchner. Néanmoins, il continue de travailler à la Volksbühne où il réalise Die zehn Gebote (Les dix commandements) d'après Viviani et Lieber nicht (Plutôt pas) d'après Bartleby, une nouvelle de Melville.
En juin 2004, Marthaler a quitté la direction du Schauspielhaus de Zurich après une dernière création : O. T., eine Ersatzpassion. Il travaille depuis comme metteur en scène indépendant.
En 2005 il a créé à Vienne, dans une section de l'hôpital Otto-Wagner, Schutz vor der Zukunft (Se protéger de l'avenir).
En 2007 il crée à Berlin les Légendes de la Forêt viennoise (Geschichten aus dem Wiener Wald) d'Horvath, qui tourne en France, et reprend les Noces de Figaro à l'Opéra de Paris.
Artiste associé du Festival d’Avignon en 2010, Marthaler a obtenu le Prix Konrad Wolf 1996 (décerné par l’Académie de Berlin), le Prix Nestroy, le Prix du Théâtre Européen. En 1997, il a partagé le Prix de Théâtre du Land de Bavière avec sa décoratrice et costumière attitrée, Anna Viebrock ; en 2011, il a également été distingué par le Prix Fritz Kortner et par l’Anneau Reinhart, la plus haute distinction pour une personnalité du théâtre suisse.
Christoph Marthaler à l'Odéon :
Was ihr wollt / La Nuit des rois ou Ce que vous voudrez, d'après Shakespeare, en mars 2002
Seemanslieder, d'après Herman Heijermans, en mai 2005
Dantons tod (La Mort de Danton) de Büchner, en juin 2006
Maeterlinck, d'après Maeterlinck, en novembre 2007
Glaube Liebe Hoffnung (Foi, Amour, Espérance) en septembre 2012
Meine Faire Dame. Ein Sprachlabor, en décembre 2012
Das Weisse vom Ei (Une île flottante), en mars 2015